Le conte ou la magie du nombre

Voici une petite réflexion sur le genre du conte, en prolongement de "Dans le vent, un murmure". 20/08/2024

Le conte, un genre pour enfant...

Le conte, avant d'être un genre littéraire écrit, est un genre oral ancestral né de la voix des peuples, et qui se teinte du timbre de chaque culture.

Lorsque l'on suit des études de Lettres, la formation ne manque jamais d'aborder les travaux de Vladimir Propp et surtout de Greimas. Nous étudions les folkloristes, narratologues, sémioticiens et formalistes qui construisent des typologies de structures narratives ou de personnages, bâtissent des schémas narratif et actanciel, décortiquent les motifs, sèmes, figures ou motifèmes.

Malgré cela, en France, nous avons la fâcheuse habitude de cantonner ce genre au monde de l'enfant, au même titre que toutes les œuvres ayant trait à l'imaginaire. Comme si l'émerveillement ou la fascination qu'il suscite ne pouvaient trouver un écho chez l'adulte. Comme s'il n'était pas assez "sérieux" pour intéresser ceux que l'âge englue désespérément dans le réel.

L'art de rassembler

Bien évidemment, en tant qu'enseignante, j'ai enseigné la structure du conte à mes élèves ou étudiants. Nous avons lu les contes de fée traditionnels français, européens ou d'autres régions du monde, des histoires d'aujourd'hui comme d'hier. Mes élèves ont dû réécrire des contes ou créer de courts textes merveilleux à portée étiologique ou moralisatrice.

Mes collègues et moi avons aussi accueilli des conteurs. Et en ces occasions, toute la magie du conte se révèle. Même les plus rebelles des élèves finissent captivés par l'art de raconter. Et notamment par un aspect de cet art : la répétition. D'une situation, d'une action, d'un mot, d'un objet, d'une formule magique.

Cette répétition crée un effet d'attente tout autant qu'une forme de connivence avec le public qui participe à l'histoire pour dire avec le conteur les mots déjà entendus et pour répéter les noms des objets, ou silencieusement pour anticiper ce qui va se produire lors d'une nouvelle péripétie si semblable à la précédente. Quelle fierté, quelle satisfaction de montrer que son esprit est aux aguets, que l'on sait, que l'on a mémorisé et compris l'histoire!

La magie opère. Même quand, enfants, on ne comprend pas les mots prononcés, ils deviennent magiques. Je dis "enfants", mais qui comprend précisément l'injonction : "Tire la chevillette et la bobinette cherra."? Compte alors et avant tout le fait que ces mots résonnent en nous en écho à la voix du conteur. Nous sommes le personnage. Nous sommes le conteur. Nous sommes une part de l'histoire.

L'essentiel est dans la réunion, autour du conteur, de tous ceux qui vibrent en harmonie avec les personnages. Aujourd'hui, comme dans le passé, le conte rassemble et unifie.

Des textes infiniment polyphoniques

Il n'y a rien de plus beau à mon sens qu'un conte traditionnel réécrit, encore et toujours. À chaque nouvelle voix lui redonnant vie, il s'enrichit. Mais à cette richesse polyphonique du texte s'ajoutent les innombrables voix des auditeurs ou lecteurs de contes, qui un jour, à leur tour, transmettront ces histoires séculaires.

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