"Bereshit", ou la puissance de nos images mentales
Je vous propose ici une présentation de ma nouvelle "Bereshit". 26/07/2024
PRÉSENTATION DE MES NOUVELLES
Cette nouvelle est née à la suite de la lecture d'un livre de Lionel Naccache, Le Cinéma intérieur, qui expose la manière dont notre cerveau traite et produit des images.
Images et cerveau, ce qui disent les neurosciences (trop court résumé)
Notre cerveau est un producteur d'images mentales, à raison de 13 images par seconde (24 images par seconde pour le cinéma), des images fixes (dites "discrètes") qu'il relie entre elles pour donner une impression de mouvement, pour inventer le fil continu de nos visions, comblant les manques de nos perceptions rétiniennes, corrigeant les tressautements de nos yeux.
Dans de rares cas, cette machinerie tombe en panne. Des individus ne perçoivent plus le monde qu'en succession d'images photographiques.
D'autres, atteints de palinopsie ou d'akinétopsie, ne distinguent plus les images les unes des autres, elles perdurent, se superposent, se côtoient dans le même moment.
Mais les images produites ne sont pas que celles reçues, ce sont aussi celles rêvées, fantasmées, imaginées en "projection privée". Nous ne sommes pas égaux face à cette faculté. Certains individus ne produisent aucune image mentale (on parle d'aphantasie). À l'opposé, d'autres ont la faculté de produire des images extrêmement complexes, riches et puissantes (on parle d'hyperphantasie). Cet article de l'Institut du cerveau présente ces phénomènes.
Ma nouvelle "Bereshit" illustre cette capacité de création.
Pour ceux qui n'ont pas lu le texte (disponible ici), un résumé :
Dans un univers dystopique, corrodé et métallique, dans lequel les corps sont augmentés par des implants de puces auditives et oculaires, les individus fuient leur réalité dévastée en se connectant mentalement au métavers, ouvrant les portes d'Utopole et de ses avatars numériques idéalisés. L'imagination a cédé ses droits face à la production d'images virtuelles labellisées et conçues pour satisfaire les désirs des utilisateurs.
Pour s'opposer à cette production stéréotypée d'images, des hackers ont mis en place un système parallèle de connexion et de partage d'images, la remago, qui permet à une personne connectée dans un groupe local de transmettre aux autres ses propres images mentales. Et le personnage principal, Sulian, va découvrir cet autre univers, le Malkhuth, auquel on accède par les mots, par le langage. Car la parole crée, en tant qu'acte de langage performatif. Dire, c'est faire, comme l'expliquait John Austin.
La nouvelle exploite les capacités incroyables de notre cerveau à faire naître des images mentales lors de notre lecture d'un livre.
Si vous êtes sur ce blog en train de lire ces lignes, c'est que vous êtes vous-mêmes lecteurs et très certainement puissants créateurs d'images mentales. Vous avez dû déjà être surpris en confrontant votre lecture avec celle de quelqu'un d'autre. La manière de se représenter un personnage, un lieu... Quelles différences! Et pourtant le livre est le même... Aucune description dans aucun livre n'est exhaustive. Elle laisse toujours la place à notre imagination pour recréer l'univers esquissé par l'auteur.
Ne vous êtes-vous jamais dit que vous aimeriez savoir comment les autres se représentent ce qu'ils lisent? On le sait de Peter Jackson qui a rendu concrète sa vision de l'univers de Tolkien. Mais nous sommes souvent déçus de ne pas retrouver sur écran ce que notre esprit avait fait naître.
Dans ma nouvelle, les Élohim, ces hyperphantasiques, partagent ainsi avec les utilisateurs du Malkhuth en même temps leur lecture et les images mentales nées de celles-ci. On reconnaîtra Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, Salaambô de Flaubert, Du Côté de chez Swann de Proust. Et pour finir, les premiers mots de l'évangile de Jean, faisant écho à la création du monde dans la Genèse.
Celle-ci rapporte un monde créé par la parole de Dieu. Le Verbe fait naître des mondes. Le mot "bereshit" est le premier mot du premier livre de la Torah, se traduisant par "commencement" (le fait que l'ouvrage s'initie autant que pour le fait que le monde commence à être). Dans ma nouvelle, il s'agit du code oral d'accès à l'univers de la création verbale.
Un plaidoyer pour la lecture
Je l'avoue, je ne suis pas professeur de français pour rien. Et je ne suis pas non plus auteur de fantaisie sans raison.
La lecture est un acte fabuleux, car il nous met en état de devenir acteur de l'histoire lue. Nous la cocréons avec l'auteur du livre. Nous nous l'approprions, nous la réinventons, et ce faisant, nous lui donnons vie. Non pas une vie, mais de multiples vies.
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